mardi 18 décembre 2018

LA DISPARITION DES NEANDERTALIENS


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Synthèse réalisée par Frédéric Woirgard

[1] E. Zubrow, in P. Mellars et C. Stringer (dir.) , The Human Revolution, Edinburgh University Press, 1989.
[2] M. Ponce de León et al., PNAS, 105, 13 764, 2008.
[3] T. Weaver et J.-J. Hublin, PNAS, doi:10.1073/pnas.0812554106, 2009.
[4] Helke Ferrie, « An interview with C. Loring Brace », Current Anthropology, 38, 853, 1997.
[5] W. Henke, in Les Hommes de Néandertal, éditions Errance, 2004.
NEANDERTAL – III LA RECHERCHE

Cinq scénarios pour une disparition

Le dernier Neandertal est mort en Europe, il y a un peu moins de 30 000 ans. Les conjectures foisonnent quant aux causes de son extinction. Il est vraisemblable que la présence de l'homme moderne y soit pour quelque chose.
1 Démographie
- PEU AVANT SON EXTINCTION, l'homme de Neandertal a dû partager son environnement avec l'homme moderne. Or les deux espèces vivaient sur les mêmes ressources. Dans un tel contexte concurrentiel, il a pu suffire d'un petit avantage démographique pour faire la différence [1]. Taux de reproduction, mortalité, âge au premier enfant, tous ces paramètres en faveur d' Homo sapiens lui ont permis de développer des réseaux sociaux plus étendus. Pour un progrès soutenu et une bonne transmission des innovations, il faut de la densité et de la sécurité. Tout ce qui aurait manqué aux populations de Neandertal.
2 Accouchement
- NEANDERTAL possédait la plus grosse tête jamais portée par un hominidé. Les accouchements étaient-ils périlleux au point d'accroître significativement la mortalité de l'enfant ou de sa mère ? Il est difficile de se faire une idée, tant les bassins féminins fossiles en bon état sont rares. Cependant, une étude présentée en 2008 indique que, mise en rapport avec la largeur du canal de naissance, la tête du nouveau-né n'était pas plus volumineuse que ce qu'on observe chez l'homme actuel [2]. Selon une autre équipe, le bassin plus primitif de la mère semblait permettre un accouchement plus direct, sans torsion [3].
3 Climat
- L'ÉPOQUE OÙ L'HOMME DE NEANDERTAL a disparu a été marquée par une succession de phases froides et arides. Cette détérioration du climat aurait été fatale aux dernières populations, par manque d'adaptation. Cette thèse a toutefois été mise à mal très récemment (lire « Le froid, un allié provisoire », p. 31). Loin de fragiliser les hommes de Neandertal, la phase polaire les aurait protégés de l'homme de Cro-Magnon en maintenant séparées les deux populations. Ainsi les néandertaliens au sud de la vallée de l'Èbre, en Espagne, auraient été les derniers à disparaître, préservés, grâce au climat, du contact avec les hommes modernes.
4 Hybridation
- LES FAIBLES POPULATIONS NÉANDERTALIENNES auraient été « absorbées génétiquement » par celles de Cro-Magnon, bien plus nombreuses. Cette thèse, longtemps défendue, en particulier par l'anthropologue américain Charles Loring Brace [4], a bénéficié de la découverte en 1999, à Lagar Velho au Portugal, d'un enfant mort il y a 25 000 ans et présenté un temps comme un hybride probable entre les deux espèces. Des travaux récents sont revenus sur cette conclusion. Par ailleurs, les analyses ADN effectuées sur l'homme de Neandertal n'ont jusqu'à présent révélé aucune contribution significative à notre patrimoine génétique (lire « La vérité viendra-t-elle des gènes », p. 40).
5 Affrontement
- NEANDERTAL n'a pas survécu longtemps à l'arrivée de l'homme moderne. Aurait-il été exterminé ? Une mandibule, peut-être néandertalienne selon Fernando Ramirez Rozzi du CNRS, découverte dans la grotte des Rois, en Charente, révèle des traces de décarnisation caractéristiques qui font envisager la possibilité que l'individu ait été traité par des Cro-Magnon comme du gibier (lire « La responsabilité de l'homme moderne », p. 36). De là à expliquer que l'homme de Neandertal a été la victime d'un génocide, il y a un pas d'autant plus malaisé à franchir qu'aucune trace archéologique ne témoigne d'affrontements directs [5].
Synthèse réalisée par Frédéric Woirgard


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